30 novembre 1914
Ma bonne Cécile,
Je viens de recevoir ta bonne et affectueuse lettre datée du 17, j’ai reçu hier ton cache neige. Comment te remercier ma bonne chérie de tes paroles si affectueuses, tu me combles de bontés et exagère certainement la portée de mes actes. Combien je te serais redevable de tendresse et d’affection aussi j’en fais réserve.
Je t’ai dit ma bonne que le régiment quoique restant ferme a subi une certaine désorganisation. Il a été fait appel du dévouement de tous et nous nous ingénions de ce fait à seconder tout le monde.
J’ai par suite un certain nombre d’hommes à diriger et cela m’intéresse énormément car je dois m’occuper de leur nourriture… etc.… mais cela m’occupe et c’est la raison pour laquelle ma chérie, je n’en dis pas long. Clément est enchanté de son passe-montagne, il va te remercier. Je ne puis te donner grands détails sur notre situation actuelle, parce que la nécessité de relever souvent les tranchées, fait que les régiments sont affectés tantôt à une autorité, tantôt à une autre et par suite les communications sont faites plus ou moins régulièrement.
Ici ça va bien et on nous annonce une grande victoire russe, qu’ils se dépêchent. Je viens de recevoir aussi une carte de Robert bien gentille comme l’habitude. Je termine ma chérie, j’espère t’en dire plus long demain.
Je t’embrasse de tout mon cœur, fais en autant à Loulou. Ton tout à toi
J. Druesne
Je t’ai envoyé de nouveau 300 Fr. ou plutôt Naegueli te les fera parvenir. Le mois prochain ma délégation sera appliquée. C’est-à-dire tu toucheras une demie de ma solde et je t’enverrai mon surplus.
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30 novembre 1914
Mon gros Robert
Ce que je désirais, mais ce que maman craignait est arrivé, je vais passer capitaine et je commande une compagnie.
Cela me ravit, car le désœuvrement en campagne est chose indigne, mais je n’ai rien fait pour ne pas tenir la promesse faite à maman et c’est la pénurie d’officiers qui a obligé le colonel à m’utiliser à chose plus utile que de porter un drapeau.
Je m’adonne avec passion à mes fonctions, car j’ai l’occasion de faire un peu de bonheur autour de moi. Déjà je sens que je suis compris.
Garde néanmoins cela pour toi ou si tu as l’occasion adroitement dis le à maman. En ce moment de bombardement à outrance, il y a autant de danger à mon ancien poste qu’au nouveau, mais je peux faire tant de bien aux malheureux qui me sont confiés. C’est donc un double devoir que j’ai à remplir : envers mes soldats, envers le pays. Je ne puis m’y soustraire et vais m’y adonner de tout cœur. Je continue à avoir confiance en mon étoile. Je n’ai pas d’officier avec moi, seuls des sous off qui déjà me sont dévoués. J’aime mieux cela. Pour faire la guerre, il n’est pas besoin de grands stratèges en ce moment. Il ne faut que du cœur et de la vigueur. J’ai de la vigueur à revendre, je crois avoir le reste.
Je te dirai comment ça marche.
Je t’embrasse bien tendrement. Ton père soldat, un peu trop peut être.
J. Druesne
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30 novembre 1914 (JMO du 37e RI)
Sans changement
Cartographie du 30 novembre 1914