Saint-Nicolas de Port le 24 août
Oui, ma chérie, c’est de Saint-Nicolas de Port que je t’écris alors que je t’ai déjà fait parvenir de mes nouvelles de la Lorraine annexée.
Je ne fais là que des manœuvres exigées par la tactique, à vrai dire au 37e en particulier nous avons été un peu vite. Nous sommes allés nous buter à Morhange sur un adversaire abrité par des travaux aménagés de telle façon que seule la gueule du canon et des fusils passait de sorte que nous étions foudroyés sans savoir par qui. C’est ce qui a occasionné le revirement en arrière. D’autre part nous n’avons pas été soutenu par les fameux régiments du midi. Quelles sales fripouilles !! Ils sont insultés ici, c’est épouvantable. Avant-hier, on a envoyé le 37e encore relever le 173e (des Corses et des marseillais) en passant devant une section commandée par un sous-lieutenant et qui n’attendait même pas notre arrivée pour filer et lui dit devant tout le monde « Où allez vous comme cela ? » « Les hommes n’ont pas dormi cette nuit » dit-il « ils vont se reposer ! » « Bougre tas de cochons » ai-je rugi « , “ mais voilà trois nuits que nous passons ainsi et c’est comme ça depuis 15 jours » là-dessus mes hommes vidèrent leur répertoire, ceci est vraiment triste, il est vrai j’en ai pleuré. J’ai passé une nuit, l’avant dernière sur une hauteur en dessous de Crévic qui brûlait. Quelle tristesse, tu m’as dit que Charles Colin était mort de frayeur, je ne sais si c’est vrai. Malgré tout cela ma chérie, il souffle un vent de confiance que rien ne peut ébranler. A chaque instant nous avons des convois de blessés prussiens et de prisonniers qui nous arrivent. Ce qui explique un (?) de démoralisation. Nous sommes bien placés ici pour les démolir et les empêcher de passer la Meurthe.
J’ai répondu à Robert, naturellement je ne puis lui donner tous les détails puisque les enveloppes doivent être ouvertes et que l’on n’hésiterait pas à m’envoyer au conseil de guerre si j’enfreignais aux ordres donnés. C’est d’ailleurs long et difficile à expliquer que l’on soit obligé de sacrifier des localités françaises pour permettre de mettre à l’abri l’existence des soldats. Et cependant c’est logique ; ils sont tellement maladroits avec leur artillerie que vraiment ce serait trop bête d’aller au-devant comme on vient de le faire. Il vaut mieux les attendre. Malheureusement je crains que nous ne soyons pas compris des populations.
Nous sommes ici installés chez un capitaine du 4e bataillon de chasseurs, M. Mangin Sa femme est partie hier à Nancy, nous laissant sa propriété ouverte. Nous y sommes bien, car on vient enfin de nous annoncer un jour de repos en restant toutefois sous les armes. Tout le monde en avait besoin.
Parmi les objets laissés par les prussiens, j’ai trouvé une belle bâche toute neuve que j’ai fait placer sur une voiture que j’ai obtenue du colonel et sur laquelle j’ai fait placer notre boustifaille car j’ai failli avoir faim et, bien entendu, le colonel aussi. Nous étions dans les champs, dans des endroits inaccessibles aux voitures, loin des villages qui d’ailleurs n’ont plus rien non plus. Cette bâche nous servira en cas de pluie à faire une tente. C’est encore un progrès dans les mesures préventives.
J’ai vu aujourd’hui M.Couveris (?) conseiller général et maire de Saint Nicolas de Port après lui avoir rappelé la famille Bernu (?), je lui ai parlé des appointements à Maréville. Il m’a promis au cas où toutefois cela serait nécessaire de s’occuper de cette question.
Je t’envoie la lettre que Robert m’envoie, je ne sais pas si j’écris aussi mal que lui, mais je n’ai compris que le sens général de ce qu’il dit. Il est vrai que c’est le principal. J’ai été bien ému des sentiments qu’il exprime.
Combien après cette épreuve, allons nous être heureux !
Je t’embrasse Chérie avec Loulou, ne t’inquiète pas à mon sujet, sois forte et partage mon espoir inaltérable. On commence à dire que le 37e et le 4e bataillon des chasseurs ont bien mérité du pays.
Ton J.Druesne
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24 août 1914 (JMO du 37e RI)
A 9h le régiment reçoit l’ordre de se tenir prêt à partir à 11h. A 13h30, les deux bataillons de St Nicolas, se portent par Varangéville au pont du Canal à Dombasles avec ordre de déboucher sur Sommerviller et Falinval. A 15h50 le régiment débouche sur Dombasles, 1er bataillon à droite, 2eme à gauche avec ordre de s’emparer de la hauteur de Sommerviller-Flainval. Les deux bataillons s’établissent de la façon suivante sans difficulté et sans tirer, cette hauteur ayant été abandonnée par l’ennemi.
1er batailloncroupe au S. de Flainval, Flainval croupe au N. de Flainval.
2eme bataillon croupe allongée entre Flainval et Crévic, deux rives du canal avec postes avancés à Grandvezinc et le Moulnot. 1ere compagnie à Sommerviller
le 3eme bataillon reste à disposition du général de division à la fin de Xandailles.
Le régiment passe la nuit sur les positions précédentes.
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(« Historique du 37e régiment d’infanterie. France. 1914-1918″)
Le 24 août, il reçoit l’ordre de s’emparer des hauteurs Crévic Flainval occupées par les Allemands depuis le 23. A notre approche l’ennemi se replie et nos postes avancés sont poussés jusqu’à Grandvezin et Le Moulnot.
Le lendemain, dès 5h30 après un feu violent d’artillerie, les Allemands prononcent plusieurs attaques, qui sont repoussées; le régiment, admirablement soutenu par un groupe d’artillerie du 60e, inflige à l’ennemi des pertes sérieuses, qui l’obligent à se replier jusqu’à la ferme de La Rochelle.
L’ardeur de nos soldats est admirable. Deux agents de liaison du capitaine commandant la 4ème compagnie tombent en allant porter un ordre à des fractions avancées sur un terrain effroyablement battu, et l’on voit aussitôt le soldat COLSON s’offrir immédiatement pour les remplacer. Le soldat HANOTEL (12e) est grièvement blessé à la jambe en apportant des renseignements à travers un terrain balayé par les balles, et, ne pouvant plus marcher, il se traîne jusqu’à son capitaine pour accomplir sa mission. Comme ces hommes ont le sentiment du devoir!