21 août 1914
Chère Cécile
Bien que je vienne d’avoir très chaud, je vais bien et n’ai aucune égratignure. Les fatigues sont rudes et je bénis les auteurs de mes jours pour m’avoir donné les moyens de les supporter et à toi ma chérie celui et de conserver et de perfectionner cette constitution. On nous demande le summum des efforts, beaucoup le donnent. Je suis heureux d’être de ce nombre.
Et tant il est vrai que les petites indispositions chez soi paraissent un monde, ici, c’est de la (comment dit Robert ?)
En effet, comme les nuits continuent aux jours, et que l’on dort le plus souvent en marchant ou en attendant la rafale, je laisse souvent passer l’heure de 7h1/2 où je tire ordinairement la chasse d’eau. De sorte que ces jours derniers, je me suis rendu compte que j’avais une commission en retard d’au moins 3 jours. Avant de me coucher, j’allais donc m’acquitter de ce devoir, mais inutilement car je suis rentré avec un énorme bouchon que je gardais jusqu‘au lendemain matin. Je ne pouvais vraiment pas emporter cela d’abord parce que c’était gênant et ensuite parce que ça faisait mal. Il fallait donc en sortir ou plutôt le faire sortir. C’est après de nombreux efforts mêlés de soupirs que dans un redoublement de force, j’envoyai rouler la cause de ma gêne au diable, mais alors, mais alors je poussai non pas un soupir de satisfaction mais plutôt un petit cri de douleur, en même temps l’ordre de partir arrivait… Je vis un infirmier qui me donna un tube de vaseline et je m’en appliquais une distribution. Croirais-tu que le surlendemain, il n’y paraissait plus. C’est d’ailleurs pour cette raison que je te raconte la chose.
Et si je te donne ce petit détail c’est pour te faire toucher du doigt (sans vaseline) mon véritable état.
Je me porte donc bien et tu ne dois avoir aucune inquiétude à ce sujet. Hier, il n’en fut pas de même pour tout le monde, ce fut une rude journée, rude, rude et… mais je cesse.
Le temps se couvre, nous allons en finir sans doute avec la chaleur.
Au revoir Chérie, au revoir, je t’embrasse bien fort et Loulou.
Ton bien affectionné
J.Druesne
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21 août 1914 (JMO du 37e RI)
A 8h le régiment reçoit l’ordre de se porter à la lisière noprd du bois de Serres où il arrive vers 11h. A 16h il reçoit l’ordre de se porter à Varangéville par Courbesseaux et Harraucourt. Il arrive à Varangéville à 23 h.