Mardi 18 août 1914
Je n’ai pas pu faire partir les lettres ci-jointes par la voie que je croyais, j’y ajoute donc les mots suivants. Reçu hier tes mots du 10 et 12 et ils me causent une joie dont tu ne peux te rendre compte.
Rassure toi encore sur mon compte, je sais à présent montrer mon ….. aux obus allemands, c’est-à-dire, faire la carapace. C’est inconcevable cette vie, vaquer à ces affaires pendant qu’au-dessus surgissent ces engins de mort. Lesquels ont la complaisance de prévenir de leur arrivée et de nous permettre de chercher un abri.
Hier cependant et avant-hier, il me semble, car les nuits se confondent tellement avec les jours, qu’on ne sait plus comment on vit, les Allemands qui fuient toujours se font moins entendre et surtout moins sentir. C’est curieux cette guerre, des canons tirant sans voir l’objectif et dire que les nôtres réussissent à ravager leurs batteries !
Je te répète donc de ne pas te soucier sur mon état, certes la fatigue est parfois grande, mais je la supporte, légèrement presque gaiement et elle ne m’affecte pas.
Je ne me vante pas, mais je puis t ‘assurer qu’après n’importe quelle manœuvre, je ne me suis jamais trouvé las.
Je suis chargé en effets, mais cela me sert. Hier malgré une pluie constante, grâce à ma pèlerine, je n’ai pas été traversé.
Tu vois donc chérie que sous ce rapport tu ne dois avoir aucun souci. Je serai prudent comme tu le dis, car en somme tout est là. On peut l’être sans cesser d’être brave. Et je m’y attacherai.
Le songe trop hélas à notre bonheur écourté, pour ne pas observer cette ligne de conduite. Si être brave c’est ne pas craindre le danger, l’expérience de ces jours derniers m’a prouvé que je l’étais. Ces séances où l’on se serait cru avant l’enfer ne m’ont que surpris. J’en suis heureux, car avant l’expérience je … .doutais…
Allons au revoir chérie, au revoir, dis bien merci à tous ceux qui s’occupent de toi, à tous, à tous.
J’ai vu Marcel Valet, il était à Pixerécourt et non à Malzéville, c’est la raison qu’on lui donnera. J’ai pu lui dire en passant « tu vois qu’on peut encore avoir la guerre » Il a compris. Où est Robert ?
J.Druesne
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18 août 1914 (JMO 37e RI)
Le régiment doit se tenir prêt à partir à 7h. Il reçoit l’ordre de se rassembler, la tête à Lezey. Là il reçoit la mission suivante:
Se porter par Moyenvic et occuper par 2 bataillons la lisière Nord du bois de la Geline, un bataillon restant à la disposition du général de Brigade à la ferme Salival. Le 1er bataillon forme avant-garde pour permettre le débouché du régiment sur la rive droite de la Seille. Il envoie à partir de Moyenvic une compagnie à l’Ermitage de St Livier, une compagnie à Salival, un peloton sur la route Moyenvic Chateau-Salins à hauteur de la forêt Salival.
Sous la protection de cette tête de pointe, le 3e bataillon va occuper la lisière N. du bois de la Geline, du saillant N.E. au ravin descendant sur Hampont. Le 2e bataillon va tenir cette même lisière de ce ravin à la corne N.O. du bois précité. Des postes de surveillance sont envoyés à la ferme de Hedival à Hampont par le 2e bataillon, à la lisière N.O. de la forêt de Bride par le 3e bataillon.
Le poste envoyé à Hampont par le 2e bataillon est reçu par des coups de fusil et ne peut pénétrer dans le village qu’il n’occupera que le lendemain matin. Le 1er bataillon est rassemblé à Salival où il cantonne avec l’Etat-Major du régiment et un groupe du 8e Régiment d’artillerie (Ct Maillard).