Le décès de Jules a été transcrit à Laxou le 16/3/1916. Je ne sais pas si c’est à cette occasion que le Groupe Turenne (les anciens du 37e Régiment d’Infanterie) a rendu les hommages ci-dessous.
Discours du Groupe Turenne
Mesdames, messieurs,
Au nom du Groupe Turenne, je viens adresser le suprême adieu au bon camarade que nous pleurons avec sa famille. Tous ceux qui ont, comme moi, connu Druesne, ont été attirés vers lui par son caractère si franc, si loyal et par la noblesse naturelle de ses sentiments.
Il partageait avec une joie sincère le bonheur des autres, aussi connut-il de nombreux et bons amis auxquels il était dévoué. Je vois encore sa belle figure au milieu de laquelle brillaient deux yeux au regard vif et doux en même temps. Naturellement gai et expansif, il forçait la sympathie et tous ceux qui l’on connu et apprécié peuvent de déclarer fiers d’avoir été de ses amis.
Je divise en trois périodes l’existence de Druesne : le Soldat, le Fonctionnaire, le héros.
La première période comprendra sa vie au Régiment en temps de paix. Il entra au 37e en 1884. Je fis sa connaissance en 1888, et du premier jour au dernier, je m’honore d’avoir mérité son estime. Le colonel de Castelnau, qui l’estimait et l’appréciait à sa valeur, se l’attacha comme secrétaire, et personne ne sait mieux que moi à quel point il adorait et vénérait ce chef éminent, qui le traita toujours en ami plutôt qu’en subordonné.
En voulez-vous une preuve ?
A cette époque déjà lointaine, Druesne habitait près de chez moi et j’allais assez souvent chez vous Madame, à l’époque où, jeune maman, vous lui deviez les plus pures joies d’un foyer heureux. J’ai pu mieux là connaître l’excellent mari, le père admirable qui était si fier de ses fils, et à juste titre. Or, un soir, un soldat apporte un ordre du Colonel, et au bas de cette pièce le colonel avait précédé sa signature d’un mot : Merci . Vous ne sauriez croire combien Druesne était sensible à ces marques de délicate sympathie venues de si haut.
Je me souviens qu’il répétât ce mot plusieurs fois, et ajouté : comme si le Colonel me doit des remerciements pour un travail qu’il a le droit de commander et même d’exiger. Si vous pouviez m’entendre, mon cher ami, sachez que le colonel vous remerciait avec raison parce qu’il savait d’avance, connaissant vos rares qualités, que le travail serait prêt à l’heure et qu’il pouvait compter sur vous entièrement.
Ce sont les Druesne, les Simon, les Mechin, les Kockl qui, avec l’appui des de Monard, de Castelnau, Bajolle, de Poudraguin, de Lobit, pour ne citer que quelques chefs, ont créé et développé le magnifique esprit de corps duquel est né le groupe Turenne.
Druesne quitta le régiment en 1902 pour entrer à la tête du secrétariat de l’asile de Maréville. Et là commence la deuxième période dont je veux parler. Fonctionnaire intelligent et travailleur, il resta dans sa nouvelle existence ce qu’il avait été au Régiment, et conquit bientôt l’estime de ses supérieurs et des subordonnés.
Il s’inscrivit aussitôt au Groupe, bientôt il entra dans le comité, et puis il fut élu vice-président. La prospérité de notre Société, où il maintint les belles traditions de camaraderie du régiment, est, en grande partie, son œuvre propre. Par son caractère affable, par son empressement à rendre service à tous, il impose la sympathie et la franche harmonie entre tous les camarades.
La vie lui souriait, ses fils grandissaient et faisaient de brillantes études. Il jouissait de la vie qu’il avait méritée quand soudain la guerre éclata. Une voix plus autorisée que la mienne, vous a dit la conduite du héros que nous pleurons aujourd’hui.
Je me bornerai à relire devant cette tombe prématurément ouverte la magnifique citation à l’ordre de la 8ème Armée dont il fut l’objet quand il tomba pour ne plus se relever.
« A fait preuve d’un courage admirable en maintenant sa compagnie sous un feu de mitrailleuses, restant seul debout au milieu de ses hommes couchés. A été mortellement blessé le 22 décembre 1914 »
Et lorsque le Général de Castelnau apprit sa mort, il vous adressa, Madame, une lettre dans laquelle il vous dépeignait en des termes éloquents et sublimes celui qu’il appelait son ami. « Nous avons vécu de la même vie pendant plusieurs années, – vous écrivait-il – et dans ce commerce de tous les jours, j’avais pu apprécier la délicatesse de ses sentiments, la richesse de sa nature ardente, profondément honnête et portée comme d’instinct vers le bien. C’était une âme d’élite »
Et plus loin , le général ajoute :
« Que vos enfants soient l’image vivante de leur père dont ils étaient la constante pensée. » « Sa figure a été et restera inséparable des plus doux souvenirs qui m’attachent au 37e R de Nancy. »
Un pareil hommage rendu par un chef qui honore l’armée toute entière à notre ami, rejaillit sur nous et sur le 37e . Que peut on ajouter à de si belles paroles ? On peut cependant dire que le vœu du Général est exaucé. Vos fils sont dignes de leur Père et sont votre orgueil et votre consolation.
Il n’est pas mort tout entier pour vous, car je suis sûr que vous le voyez vivre en eux. Je me fais l’interprète de nos camarades de Paris, que l’éloignement et les occupations ont empêchés de se joindre à nous mais qui sont en ce moment avec nous par la pensée.
Voici quelques extraits d’une lettre que je viens de recevoir ce matin de notre bon ami Simon :
Mon cher ami,                                                                                                                  Ayant la cruelle déception de ne pouvoir réaliser le vœu qui m’était si cher, d’accompagner à sa dernière demeure celui que nous avons tous tant aimé, et de saluer au nom de tous ses anciens camarades du 37e, ses restes glorieux, je viens vous demander de me suppléer auprès de sa veuve, de ses fils, pour leur exprimer tous mes regrets.       Druesne , originaire du Nord est arrivé à Troyes en juin 1884, a toujours depuis porté fièrement le n°37. Ame ardente, il partageait son affection entre sa famille et son cher Régiment.
Quelles angoisses ! Quels douloureux pressentiments, lorsque le 22 décembre 1914, date de sa fin glorieuse, il me faisait part de ses appréhensions et m’adressait son suprême adieu et son dernier souvenir au dos de sa photographie ! Hélas, nos craintes furent confirmées par la lettre suivante du Général de Lobit, commandant la 22e Brigade, datés du commencement de janvier 1915.
« J’ai eu la profonde douleur, le 22 décembre de voir tomber votre noble ami, le Lieutenant Druesne. Il entrainait sa compagnie superbement. Il a été cité à l’ordre de l’armée avec le motif que je vous ai lu tout à l’heure. « Brave Druesne ! Cette mort glorieuse est la digne fin d’une vie de devoir et d’abnégation. Vive le 37eÂ! Vive la France ! P. de Lobit »
Je ne puis, vu leur grand nombre, reproduire tous les éloges, les regrets émouvants que j’ai reçus alors de tous ses anciens chefs et de ses frères d’armes. Puis Simon, faisant allusion au Général de Castelnau, ajoute à la fin :
Ah ! Comme il connaissait bien et combien il estimait celui dont nous étions heureux d’être le camarade, et dont aujourd’hui nous pouvons être si fiers.
Dors en paix, brave et bon Druesne : ta mémoire restera profondément gravée dans le cœur de tous ceux qui t’ont approché.
Tu as de ton sang généreux inscrit à jamais ton nom glorieux dans les annales du vaillant 37e et sur le Livre d’Or de la Patrie. Vous avez bien voulu, mon cher Ami, avoir l’honneur de porter sur le champ de bataille le drapeau sous lequel vous avez servi la France en temps de paix pendant 18 années ; à notre tour, nous avons voulu qu’une parcelle de ce drapeau glorieux, enchâssée dans le nôtre, s’incline sur votre tombe pour rendre hommage à votre courage et à votre mémoire.
Au nom du groupe Turenne et de vos nombreux amis et de Nancy, je vous adresse le suprême adieu…
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Mesdames, Messieurs,
Le 2 aout 1914, alors que retentissait dans toute la France « l’appel des armes », les deux vice-présidents de la 44e Section des Médaillés Militaires rejoignaient les armées pour prendre, au front, leur place de combat. A chacun d’eux devait échoir l’insigne honneur de mourir sur le champ de bataille.
En saluant aujourd’hui les restes glorieux du Lieutenant Druesne, en inclinant devant eux le drapeau de notre société, comment ne point méditer la sublime leçon de patriotisme qu’il a donné et qui témoigne de la clairvoyance des suffrages qui l’appelaient à une des vice-présidences de notre Section !
Engagé volontaire au 37e Régiment d’Infanterie en 1884, Druesne était nommé adjudant en 1892, et il recevait la médaille militaire en 1902. A cette date, il espérait jouir au foyer de la retraite qu’il venait d’obtenir, tout en se consacrant aux délicates fonctions de secrétaire près la direction de l’asile de Maréville.
Ce n’était pourtant qu’une grande halte sur la route, au cours de laquelle notre vaillant camarade  reprenait simplement haleine. Promu successivement sous lieutenant et lieutenant de réserve, Druesne partait dès le début des hostilités avec le 37e RI.
C’est à cette unité d’élite, citée parmi les plus valeureuses de l’armée, qu’il devait avoir le grand honneur d’être choisi comme porte-drapeau. Mais toute noblesse oblige, et Druesne l’avait si bien compris qu’il ne tardait pas à demander le commandement d’une compagnie. Déjà , il avait obtenu d’être maintenu dans un régiment d’active, quoique appelé par sa classe dans l’armée Territoriale.
Cette première satisfaction n’avait pas suffi à son âme de soldat. Il lui fallait servir au premier rang dans la bataille où il devait trouver une mort glorieuse à la tête de la 8e compagnie de son régiment, le 22 décembre 1914, après avoir été nommé chevalier de la légion d’honneur.
Devant cette tombe, comment ne point associer au souvenir du lieutenant Druesne, celui du Lieutenant Daeschner, son collègue à la vice présidence de notre association, tué lui aussi devant l’ennemi, et dont le corps n’a pas été retrouvé. En saluant l’un et l’autre au nom de la 44e section des médaillés militaires, je ne saurais personnellement oublier la collaboration zélée qu’ils ont apportée tous deux dans leurs fonctions de sociétaire. Elle était la sûre garantie de leur fidélité aux traditions militaires et de leur dévouement à la Patrie.
Lieutenant Druesne, reposez en paix ! votre héroïque conduite restera impérissable dans notre mémoire et votre nom demeurera à jamais inscrit dans les fastes de gloire de notre association. Dormez, désormais, votre glorieux sommeil, à l’abri des éternelles couronnes promises par Dieu à ceux qui ont combattu courageusement.
Au nom de vos camarades médaillés, je vous adresse de tout notre cœur un suprême adieu, en m’inclinant très respectueusement devant la douleur de tous les vôtres.
Bonjour,
Merci pour ce partage des « lettres à Cécile » ,intéressantes , émouvantes ,pleines d’humour et de tendresse .
Jules va me manquer ..
Je pense que ces discours ont été lu au cimetière,quand le corps a été ramené :
« Je me bornerai à relire devant cette tombe prématurément ouverte… »
Il faudrait demander au cimetière la date d’ inhumation ,ça doit être inscrit dans le registre…(l’armée doit aussi avoir des registres de relevés des tombes et de transfert des corps, mais c’est peut-être plus compliqué !)
Merci encore
Cordialement
Babeth Parmentier