Monique (1927-1979)

Je ferme les yeux, j’entends son rire sonore et gai, et ne peux m’empêcher de sourire…
Je la vois dans la cuisine préparant la paella ou la « merlu sa frita » (phonétiquement!), faisant la confiture d’abricots ou de fraises tout en chantonnant sur des airs de valses de Strauss ou de ballets de Tchaïkovski.
Je la vois parler avec Mamita en préparant le dîner des enfants ou redevenir petite fille lorsqu’elle retrouvait son père.
Je la vois devant sa machine à coudre réparant nos accrocs ou me faisant une robe.
Je la vois, arrivant dans sa 2CV, pour venir me chercher à l’école ou aux cours de danse.
Je la vois s’affairer pour une communion ou un anniversaire qu’elle organisait à la maison… nous nous retrouvions alors à plus de 30 autour de la table: les grands-parents , les grands-oncles et grandes-tantes, cousins, cousines, oncles et tantes… elle n’oubliait personne et ils étaient tous là. Elle mettait les belles nappes brodées, sortait l’argenterie et faisait son fameux jambon en croute avec sauce au Madère!
Je me vois faire les lits avec elle dans le chalet que nous louions en suisse pendant que les garçons déchargeaient la voiture.
Je l’entends m’appeler pour tendre les draps lorsqu’elle sortait le linge de la machine à laver ou pour me redire une fois de plus de ranger ma chambre…
Je la vois soignant Laurent qui s’était blessé ou demander à Bernard et à Denis de ranger leurs petites voitures…
Je la vois complice et tendre avec son frère François.
Je la vois songeuse jouant avec son collier de perles.
Je l’entends parler avec plaisir en espagnol avec le père espagnol avec Carmen ou avec ses parents (pour que les enfants ne comprennent pas…)
Je la vois se démener pour trouver un travail ou un logement aux réfugiés cambodgiens et vietnamiens dont elle s’occupait.
Je l’entends le soir, discutant pendant des heures avec mes trois frères et moi autour de la table de la cuisine alors que Papa était déjà couché…
Je la vois assise au bord de mon lit, m’apportant une tisane ou un lait chaud lorsque j’étais malade…
Je la vois fière et émue aux mariages des mes deux frères ainés…
Je la vois s’inquiéter pour nous alors qu’elle était sur son lit d’hôpital, malade d’un cancer…
Je la vois venir dans ma chambre, la dernière fois, c’était un matin de septembre 1979, je n’avais pas encore repris les cours, elle allait une fois de plus à l’hôpital, mais elle était souriante et confiante… Je veux garder ce sourire et oublier ses derniers instants… J’avais 22 ans

C’était Maman…

10 thoughts on “Monique (1927-1979)

  • 25 juin 2005 at 6 h 15 min
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    Tres beau texte…
    Cordialement,

    Reply
  • 26 juin 2005 at 3 h 07 min
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    Sœurette,

    Quel beau souvenir de Maman as-tu décrit !
    Quelle vraie et belle image d’elle as-tu su “dire” !
    Quelle pudeur dans les moments choisis !
    Quelle sensibilité dans les mots employés !

    En plus de tes qualités d’altruisme que Maman t’a transmises,
    Tu as un vrai don pour exprimer et faire partager
    Ces émotions si simples de la Vie, celles de la Famille.
    Celles qui vont à notre cœur et qui sont souvent les plus belles.

    Ce plaisir émouvant et salutaire nous rappelle, si besoin est,
    L’importance du lien familial malmené parfois sans raison…
    Et néanmoins si important pour nous et je l’espère, pour tous les autres.

    Ton grand frère, Bernard.

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  • 27 juin 2005 at 15 h 46 min
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    Des larmes menacent de tomber sur le clavier et les touches se brouillent….lorsque je suis arrivée sur cette page j’ai été accrochée par la photo de Monique une très belle femme étonnamment moderne lorsque je vois les dates et j’ai lu ce texte boulversant qui m’a émue parce qu’elle me renvoyait l’image d’une autre qui m’a quittée en 1973 et j’avais 25 ans.
    Christine merci pour tant de belles choses à se souvenir.
    Dany

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  • 17 juillet 2005 at 22 h 50 min
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    gorge serrée
    touché
    profondément

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  • 2 août 2005 at 22 h 51 min
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    MERCI..
    Merci pour ce moment de tendresse
    Merci pour ces belles émotions
    et bravo; car votre plume est aussi belle.
    Cordialement

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  • 2 novembre 2005 at 8 h 02 min
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    Bonjour,
    Moi aussi émue par ton histoire, j’avais 22 ans comme toi et maman 50…
    merci de ton passage

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  • 4 octobre 2016 at 7 h 30 min
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    Bonjour.
    Mon père a travaillé comme geometre chez Druesne pendant 30 ans…vvous avez donc fait partie de notre vie. Je me souviens très bien de votre mère. En particulier d’une fête de Noël où nous avions été invités….quel plaisir !

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    • 4 octobre 2016 at 20 h 58 min
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      Bonsoir Laure, Merci beaucoup pour ce message qui me touche beaucoup!

      Reply
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