Auguste part à la guerre (1915)

Vous avez pu lire les premières lettres d’Auguste . Voici, le retour d’Auguste en France pour participer à la guerre de 1914-1918. Il avait été réformé mais s’engage alors qu’il est encore au Tonkin.

(enveloppe datée du 14/1/1915)

Mon cher Oncle

Je vous envoie tous mes meilleurs souhaits de nouvelle année. Ils arriveront un peu tard. J’espère que maintenant vous êtes à l’abri des accoups et des hasards de la guerre. Je pense rentrer à la fin de mars avec la section du 9ème colonial dont je fais partie et le bruit court ici que l’infanterie de marine est dans l’est, ce serait épatant si je venais ici et j’en serais enchanté. J’espère que vous êtes tous en bonne santé. Moi je rentre d’Hanoi et d’une tournée au Tonkin, j’ai fait Bac-Ninh, Dap-Can, Ninh-Binh, Hai-Duong, Ha Dong, et Son-Tay et Hai-Chang naturellement. Dans une huitaine, je partirai pour Phnom Penh et je pousserai jusqu’aux ruines d’Angkor puisque j’en ai le temps. Si on ne m’avait pas mobilisé ici je serais rentré en janvier mais maintenant j’appartiens à l’autorité militaire ce qui me procure des loisirs forcés. Je pense souvent à toi en voyant ce pays-ci. Quelles merveilles, quelle couleur. Le Tonkin te plairait surtout en hiver, il y a des temps gris qui sont presque la lumière de chez nous mais plus lumineux et alors des couleurs des gris jaune soufre avec d’énormes nuages roses corail mais pas criard du ton et devant une pagode et des “banians” énormes, c’est splendide surtout la moyenne région et la haute région. Si tu voyais la rivière claire, tu en serais malade, et la rivière des milles parfums à Hué et le Tam Dao et le col des nuages, il n’y a pas un pays au monde qui vous prenne plus que celui-ci. J’ai pleuré en quittant Hué comme si je m’expatriais pour jamais ne revenir en France. Je reviendrai sûrement ici. Je te raconterai des bibelots d’ici. Je t’en aurais bien envoyé déjà mais les courriers sont peu sûrs encore et j’ai peur de risquer quelque chose que j’aurai peine à voir perdu.

A bientôt j’espère, portez vous bien tous, je vous embrasse de tout cœur. Ta dernière lettre m’a fait un grand plaisir surtout les détails sur la bataille de Nancy. Si tu as vu cela de près, fais en un récit par écrit, tes enfants seront heureux de trouver cela plus tard. Je t’embrasse affectueusement.
A.Silice

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Le 26 avril 1915

Mon cher oncle
Je serai en France, 8 jours après que tu auras reçu ce mot, ce n’est pas trop tôt. J’ai pu arriver à m’engager ici et à partir comme soldat, je crois d’ailleurs te l’avoir déjà écrit. Je pense m’embarquer sur l’ Euphrate qui doit passer ici le 1er et quitter Saïgon le 8. Je dis j’espère car on ne sait jamais ce qui se passe et en Indochine on reçoit de nouveaux ordres tous les jours. Maintenant, je ne sais pas si je ne serai pas dirigé sur la Turquie. C’est possible puisque je suis dans la coloniale. Je suis bien content de rentrer. Si je peux, j’irai vous voir mais ce serait en revenant de Paris. Si je rentre en France, j’aurai 15 jours de permission, j’irai à Paris et je pourrai redescendre par Nancy. Peut-être parce que je crois être affecté à Toulon en attendant mieux naturellement. Mais il y a beaucoup de chances pour que nous allions encadrer les Sénégalais. C’est ce qui arrive à ceux qui sont partis par le précédent cargo. Je pense que vous allez tous bien et que vous êtes tranquilles relativement. J’ai vu dans un communiqué que des Tonks(?) avaient jeté des bombes, y-a-t-il eu de gros dégâts?
 Écris moi des nouvelles à l’adresse suivante:
Mr Silice caporal au 9eme Colonial passager à bord de l’Euphrate Messageries Maritimes – Marseille
Mais attends un mot qui te parviendra d’ailleurs en même temps que celui-ci, mais je le mettrai par la malle qui partira avant nous alors je te dirai si je pars et si tu peux m’écrire à l’adresse indiquée. A bientôt peut-être, portez vous bien tous. Je t’embrasse affectueusement ainsi que tout le monde
Mes respectueux souvenirs à Madame Gaiffe et aux siens.
A.Silice

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MessageriesCarte postale publicitaire des Messageries Maritimes représentant la maison de thé à Shangaï (vers 1915)

Mon cher Oncle
J’embarque sur l’Euphrate. Tu peux m’écrire Mr Silice caporal au 9eme Colonial passager à bord de l’Euphrate Messageries Maritimes – Marseille
Dès que je saurai où on m’enverra je te le dirai
Bien sincèrement
A. Silice

 

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18 mai 1915 ? (date sur tampon pas très lisible)

Mon cher Oncle,

J’ai reçu une lettre de toi qui m’a été retournée du Tonkin. Je suis à Ivry au fort pour quelques jours en attendant de partir pour le front. Le voyage s’est bien passé nous avons été manqués d’une lieue et demi par le sous-marin à la sortie de port Saïd. On a été prévenu par la T.S.F. et nous avons filé sur le nord pour nous mettre à l’abri. Enfin nous sommes tout de même arrivés à Marseille. J’y suis resté 4 jours après quoi j’ai été dirigé vers le 21ème à Paris. Je partirai dans très peu de temps , je le pense et je le désire car ici c’est embêtant pour la garde et le service de place. En bas en ce moment il en part 2 ou 300, je ne sais pas au juste. Je n’ai pas pu déballer mes caisses de tableaux, je ne sais pas quand je le pourrai. Je vous embrasse bien tous.

A.Silice

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La suite prochainement…

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